Lise Pressac Non classé Aux chartes et caetera

Aux chartes et caetera

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Encadrer. Réguler. Limiter. Vent de panique dans les rédactions où Twitter s’est invité insidieusement sans qu’aucun des rédacteurs en chef ne l’y ait invité.
Les journalistes tweetent des infos, leurs humeurs, leurs points de vue et figurez-vous qu’ils font ça sans même en avoir informé leur hiérarchie.
Ce qui veut dire qu’ils n’écrivent pas ce qu’on leur a dit d’écrire et donc qu’ils pensent par eux-mêmes.
Les chefs ont alors réalisé plusieurs choses :

1) Les journalistes sont indépendants d’esprit
Ils sont capables de s’intéresser à un sujet sans qu’on leur ait demandé de bosser dessus, ils ont soif de débats, d’échanges d’idées, si possible avec des gens qui ne sont pas du « sérail » et qui ont des préoccupations autres que celles imaginées par les rédactions parisiennes.
Tous les matins en réunion les mêmes questions : qu’est-ce qui intéresse les gens ? De quoi veulent-ils qu’on leur parle ?
Quel bel outil que Twitter qui te met face à ton lectorat, tes auditeurs, tes téléspectateurs, comme l’explique Erwann Gaucher*. Même si, bien sûr, Twitter est en soi un microcosme on y croise des agriculteurs, des enseignants, des infirmiers, des étudiants, des chômeurs…
Du débat, des échanges peuvent naître des idées de reportages, d’enquêtes, pourquoi pas ?

2) Le journalisme est un travail comme un autre
Comme le dit si bien Morgane Tual** non nous ne sommes pas des journalistes 24h/24 et oui lorsqu’il nous arrive de tweeter nos humeurs, nos coups de cœur ou nos tranches de vie c’est en tant que personne et non en tant que journaliste.
Comme n’importe quelle personne qui travaille et qui laisse son boulot derrière lui en rentrant chez lui.
Jamais complètement, je l’avoue : nous avons notre façon à nous de regarder et d’écouter les infos avec notre œil critique de professionnel, regarder un JT avec nous peut être très pénible pour quelqu’un qui n’est pas journaliste.
Nous avons du mal à déconnecter de l’actualité pendant les jours off mais nous nous efforçons de le faire et cela fait du bien quand on y arrive.
Comme n’importe quelle personne qui rentre avec ses soucis de la journée et qui prend du temps à décompresser.
Mais nous sommes aussi capables de débrancher, comme tout le monde, et même de nous lâcher.
J’ai souvent eu des échanges avec certains de mes followers étonnés du décalage entre une info que je venais de commenter sur Twitter et la façon dont je la traitais « sérieusement » quelques minutes plus tard à l’antenne.
Oui c’est mon métier.
Et oui on peut être naturel et désopilant sur Twitter et rester consciencieux et professionnel dans son travail.

3) Les journalistes ne sont pas des schizophrènes
Les chefs sont prêts à accepter cet état de fait du moment que le journaliste respecte certaines règles comme celle de ne pas dire du mal de son employeur.
On ne mord pas la main qui nous nourrit. Nul besoin d’émettre cette règle pour que celle-ci soit respectée.
L’idéal serait soit d’avoir deux comptes : un pro et un perso. Un perso où nos propos n’engagent que nous, un autre où nos propos engagent notre rédaction.
Moi qui suis pigiste et qui travaille pour des médias qui techniquement pourraient être concurrents je fais comment ?
Tweeter des infos validées par la rédaction ça veut dire faire de la com’ ou pire faire comme certains politiques qui se servent de Twitter comme d’un agenda électronique : « ce soir rencontre avec des jeunes à la salle des fêtes de Pougues-les-Eaux ».
Et comme le dit – une nouvelle fois très justement- Morgane Tual, « Un peu de #LOL, de #NSFW (NDLise : not safe for work / pas sûr pour le travail) et d’insolence font tout le charme de nombreux comptes « influents ». »**
Savoir que les journalistes ne sont pas des machines mais des êtres de chair et de sang capables de s’enthousiasmer pour un match de foot ou une émission télé les rendent plus accessibles.
A toutes les personnes qui m’ont suggéré de créer un compte dédié au LT (Live tweet : tweeter en direct un programme télé), une de mes passions avouées, je leur ai répondu que c’était à prendre ou à laisser.
Que je suis aussi bien capable de parler de la Corne de l’Afrique que de « l’Amour est dans le Pré ».
Qu’importe si cela fait fuir les gens, je ne fais pas la course aux followers.

Une chose importante que les rédactions devraient simplement réaliser : le capital sympathie et humain de leurs journalistes.
Car c’est en partie grâce à @rtlgrandest que j’écoute de temps en temps RTL, grâce à @guybirenbaum et @DavidAbiker que j’écoute Europe 1, grâce à @amauryguibert que je me branche sur France 2, à @JeanZeid que je me suis mise au Mouv’, grâce à @NZidane que je prête plus l’oreille à France Inter, grâce à @lecontempteur qu’il m’arrive même de lire des articles de Nord Eclair.
Ce sont leurs personnalités qui m’ont poussée à écouter ou regarder les médias pour lesquels ils travaillent, pas les infos « corporate » qu’ils auraient pu diffuser.


* Pourquoi Twitter fait-il tellement peur à certains journalistes ? d’Erwann Gaucher
http://www.erwanngaucher.com/02082011Pourquoi-Twitter-fait-il-tellement-peur-agrave-certains-journalistes-,1.media?a=686

**Encadrer les réseaux sociaux : pourquoi les médias se trompent de Morgane Tual
http://morganetual.com/?p=537

6 thoughts on “Aux chartes et caetera”

  1. « Les journalistes sont indépendants d’esprit »
    je comprend bien le propos de ce billet légèrement corporatiste mais permet moi de dire que si les journalistes sont indépendants d’esprits, ils ne le sont pas plus que la moyenne des gens.

    Et si l’on voit comment cette caste (oui caste!) s’acoquine souvent avec les sujets acteu de son travail: acteurs de la vie économique et politique et le panurgisme dont la dite caste fait souvent preuve pour fabriquer du consentement à une candidature présidentielle incontournable, une vulgate économique et financière irréfutable, j’ai l’impression que cette indépendance d’esprit est souvent un secret bien gardé 😉

    Ce n’est que mon humble avis de consommateur d’information élevé à l’école de la république, oui celle qui avait un temps l’ambition de fabriquer des citoyens avec un minimum de sens critique…

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